Perfectionnisme

& Haut-Potentiel Intellectuel :

sain ou toxique ?

Le perfectionnisme est souvent associé au Haut Potentiel Intellectuel (HPI) dans les listes de caractéristiques psychologiques destinées au grand public. Je le retrouve aussi très régulièrement chez les personnes que j’accompagne.

Sous le terme générique de perfectionnisme, on retrouve en réalité 2 facettes distinctes : le perfectionnisme dit "positif" ou intrinsèque, et le perfectionnisme dit "négatif" ou extrinsèque.

Pour autant, ce trait de personnalité est-il réellement caractéristique du HPI ?

Étant donné que l'un de ces perfectionnismes peut se révéler problématique, il est important de faire la distinction entre les deux, de comprendre leurs différences et d'avoir quelques ressources pour bien les appréhender.

Le perfectionnisme positif (ou intrinsèque)

Dans cette forme de perfectionnisme, il s'agit d'orienter le perfectionnisme vers soi, c’est-à- dire d'évaluer ses performances en fonction de ses propres standards de réussite, des normes que l’on s’est fixées. On retrouve alors les caractéristiques suivantes :

  • avoir des normes personnelles élevées c’est-à-dire se fixer des critères de réalisation élevés & toujours vouloir faire de son mieux
  • être en quête d’excellence c’est-à-dire rechercher la satisfaction par la réalisation d’un travail irréprochable & faire preuve d'une grande discipline pour atteindre ses objectifs

Ce type de perfectionnisme correspond à l’aspect consciencieux du modèle de la personnalité en 5 facteurs (je détaille un peu ce modèle dans cet article).

Cela peut s’exprimer par exemple sous la forme d’un désir profond de précision ou d’exhaustivité. On peut ainsi le retrouver chez une personne qui retravaille son texte, une énième fois de plus, car pour elle chaque mot compte. 

Globalement, ce type de perfectionnisme apporte une meilleure satisfaction de vie, une bonne estime de soi et une motivation optimale.

Le perfectionnisme intrinsèque 

est-il inhérent au HPI ?

D'une manière générale, plus le lien est direct entre la caractéristique explorée et les capacités intellectuelles, plus il est probable de retrouver une association avec le haut potentiel intellectuel. 

Si le lien n'est pas évident entre des capacités intellectuelles hors normes et les exigences que l’on peut avoir en terme de performances, on pourrait toutefois penser que le fait d'avoir des aptitudes élevées amènent naturellement à se fixer des objectifs plus élevés car pouvant être atteints.

Une méta analyse de 10 études études montre en effet que, sur plus de 4.000 participants, les HPI auraient une tendance supérieure au perfectionnisme positif (Stricker 2020).

Bien que le perfectionnisme ne soit pas caractéristique du HPI, on peut toutefois relever que cette spécificité neuro-biologique favoriserait le perfectionnisme positif.

Notons toutefois qu'une autre méta-analyse montre que le caractère consciencieux n'est pas plus particulièrement présent chez les HPI (Ogurlu & Özbey, 2022).

Bien vivre son perfectionnisme intrinsèque en société

De l’extérieur, on peut le prendre pour une recherche obsessionnelle, une réflexion à outrance ou une forme de névrose.

En effet, s'il est important pour vous de respecter des standards élevées, cela ne signifie pas que d'autres personnes partageront cette exigence.

Cela ne signifie pas non plus que les autres doivent nécessairement élever leurs normes ou travailler plus dur. 

Professionnellement, il peut alors être important d'évoluer dans un environnement qui favorise la réalisation de vos capacités. Ainsi, si vous vous sentez seul dans votre situation, cherchez des pairs ou collègues à même de comprendre votre perfectionnisme intrinsèque. Certaines personnes avec des normes élevées et des tendances perfectionnistes similaires seront peut être à même de vous faire des retours constructifs sur votre travail.

L'excellence est une quête personnelle. 

Le perfectionnisme négatif (ou extrinsèque)

Dans cette forme de perfectionnisme, l'évaluation des performances se fait en fonction de standards de réussite extérieurs à l'individu, de normes qu'on lui imposeraient. On retrouve alors les caractéristiques suivantes :

  • préoccupations intenses autour des erreurs c’est-à-dire être particulièrement embarrassé par ses erreurs et penser que les autres vont nous juger négativement à cause de celles-ci
  • perception d’un écart entre les résultats et les attentes élevées c’est-à-dire n'être jamais satisfait de ses réalisations, avoir le sentiment de ne "pas être à la hauteur" ou "jamais suffisant" même quand fait de son mieux
  • perfectionnisme socialement prescrit c’est-à-dire penser que notre entourage nous imposent des exigences trop élevées.

Ce type de perfectionnisme peut devenir pathologique lorsqu’il crée un stress que la personne ne peut réguler. Ce sera par exemple le cas de la personne qui ne prend pas la parole en réunion parce qu'elle a le sentiment de n'avoir jamais rien d'intéressant à dire.

Globalement, ce type de perfectionnisme apporte sur le long terme une faible satisfaction de vie, une piètre estime de soi et une procrastination chronique.

Le perfectionnisme extrinsèque

est-il inhérent au HPI ?

La méta analyse précitée (Stricker 2020) ne montre pas de différence significative sur le perfectionnisme négatif entre la population HPI et la norme.

Le perfectionnisme sous cette forme n’est donc ni inhérent ni caractéristique du HPI.

Contrairement à ce que peut véhiculer la littérature grand public et certains psychologues médiatiques, les études montrent que le HPI est plutôt un facteur de bien-être et de réussite sociale et personnelle.

La frontière entre mythes & réalité est entretenue par le biais de sélection : les psychologues peuvent généraliser les tendances perçues dans leur cabinet alors que les personnes qui consultent sont seulement celles qui sont en souffrance ou en difficultés.

Mieux vivre son perfectionnisme négatif au quotidien

D'un coté, il peut se révéler très utile de travailler en thérapie les causes et blessures liés à votre perfectionnisme : vous n'êtes pas né avec un perfectionnisme toxique.

En tant qu'enfants par exemple, les HPI sont parfois en avance sur leurs pairs. Si leurs parents et enseignants les félicitent la plupart du temps pour leur intelligence ou leurs résultats scolaires, les enfants peuvent en venir à croire que l'acceptation et l'amour dépendent uniquement du fait d'être les meilleurs, de gagner et de réussir à l'école puis professionnellement. Le perfectionnisme toxique risque alors de s’installer et peut se transformer en peur de l'échec, en procrastination chronique et en anxiété généralisée. 

Si votre perfectionnisme entrave la réalisation des projets professionnels que vous désirez mettre en place, un travail en coaching peut être particulièrement efficace quand on aime penser ce que l'on fait et ce que l'on pense.

On y apprend alors souvent à mettre davantage l'accent sur le processus que sur le résultat. Il s’agit ainsi de s’exercer à multiplier les critères de mesure du succès : plaisir, complexité, opportunités de croissance, apprentissage, effort, impact, rencontre avec de nouvelles personnes etc.

On prend généralement le temps de mettre en lumière vos zones d’aisance et celle dans lesquelles vous souhaitez exceller.

Il est aussi très très fréquent qu’on y travaille le syndrome de l’imposteur.

D'une manière générale, c'est tout le schéma existentiel qui sera mis en mouvement, c'est-à-dire le schéma de représentation et la vision du monde du perfectionniste. En allant voir les peurs sous-jacentes à son angoisse existentielle et le Moi idéal que l'on s'est créé pour s'en protéger, on fait peu à peu émerger un Soi professionnel qui se pense avec plus de justesse et de souplesse, nourrit sa réflexion par le doute tout en ayant conscience de ses zones d'aisance, de performance et de connaissances.

On apprend ainsi progressivement à mettre son exigence au service de sa mission professionnelle et non de son image personnelle.

Le perfectionnisme n'est pas inhérent au HPI, à tout le moins pas celui dont on peut souffrir.

D'une manière générale, il importe ainsi de ne pas sur-attribuer les difficultés au fonctionnement cognitif spécifique du HPI, sans négliger pour autant l'impact que celui-ci peut avoir concrètement.


Sources utilisées pour la rédaction de cet article :

Site surdoue.fr de la neurpsychologue Stéphanie Aubertin

Psychologie du Haut Potentiel, sous la direction de Nicolas Gauvrit & Nathalie Clobert, De Boeck 2021

Tout savoir sur le Haut Potentiel, Sophie Brasseur & Catherine Cuche, Mardaga 2021

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