Le Haut Potentiel Intellectuel :
une réalité neuro-physiologique
Le haut potentiel (HPI) n’est étudié par les neurosciences que depuis quelques années.
Longuement observé et décrit par les psychologues cliniciens et psychothérapeutes au niveau psycho-comportemental, la littérature abonde sur le versant psychologique du haut potentiel intellectuel au point qu'il est facile de se perdre entre effet de mode, effet Barnum [1], biais cognitifs et confusion mentale. Et pour cause, la façon dont s'exprime le haut potentiel intellectuel dépend essentiellement des expériences de vie que fera la personne concernée.
Une chose est sure, l'intensité est au rendez-vous !
Les recherches scientifiques sur la douance confirment cela par une réalité désormais indéniable : le haut potentiel intellectuel se traduit par une anatomie particulière au niveau cérébral. Ceci permet de comprendre notamment l’efficience toute particulière du cerveau du HPI et certains de ses besoins bien spécifiques.
[1] Biais cognitif induisant à accepter une vague description de la personnalité comme s'appliquant spécifiquement à soi-même.
Neuro-anatomie de la douance
L’étude du cerveau permet de mieux comprendre nos fonctionnements cognitifs. Commençons donc par un peu de neuro-biologie.
L’élément de base du système nerveux, ce sont les neurones. Ils sont constitués d’un corps cellulaire et d’un prolongement, l’axone.

Les neurones répondent aux stimulations reçues par un organe sensoriel (vue, odorat, ouïe) ou un autre neurone. Ils convertissent ces stimulations en information électrique : l’influx nerveux. Celui-ci se propage alors le long de l’axone. L’information est transmise au neurone suivant de manière biochimique au niveau de la synapse par les neurotransmetteurs.
Les corps cellulaires des neurones constituent la substance (ou matière) grise. On la trouve principalement sur la partie extérieure des hémisphères cérébraux du cortex mais aussi plus profondément dans les noyaux du cerveau limbique et dans le tronc cérébral.
Les axones des neurones constituent la substance blanche. Cette substance doit son aspect à la gaine de myéline qui enrobe les axones & assure la conductivité et l’isolation électrique au niveau du système nerveux. Sa présence permet d’accélérer la vitesse de propagation de l’influx nerveux et donc la transmission de la communication entre les cellules nerveuses.
Chez les personnes à Haut Potentiel Intellectuel
Différentes études réalisées à l’IRM montrent une architecture cérébrale spécifique chez le HPI.
- Au niveau de la matière grise : une densité de neurones plus importante en particulier au niveau des lobes frontaux et pariétaux.
Ces zones sont responsables des fonctions exécutives (raisonnement, contrôle cognitif, choix de comportement, flexibilité), de la mémoire de travail (mémoire immédiate et manipulation mentale des informations) et de l’attention (capacité de focus et sélection de l’information)
- Au niveau de la matière blanche : des axones plus larges, avec plus de connexions et des gaines de myéline plus épaisses
L’ activité électrique est plus importante et la connectivité entre les neurones augmentée, ce qui permet un traitement de l’information plus rapide. Alors que la vitesse moyenne de transmission des informations au niveau neuronal se situe autour de 2 mètres par seconde, elle augmenterait de 0,05 mètre par seconde par point de QI supplémentaire, pour atteindre 3,5 m/s en moyenne chez les HPI. On peut alors parler de « cerveau à haut débit ».
- Au niveau des hémisphères : la coopération et l'interaction est ajustée selon les tâches
Ainsi, il est fait appel à des aires cérébrales supplémentaires pour résoudre les cas de complexité particulière. A l’inverse, certaines aires non indispensables à la résolution du problème mais habituellement sollicitées sont automatiquement inhibées par le cerveau Haut Potentiel.
Ces différences donnent plus de puissance et d’efficacité à la personne HP pour raisonner, se concentrer, analyser & innover.
- Au niveau du fonctionnement : l’activité de repos est plus intense
Lorsque nous ne faisons rien de particulier, un ensemble d’aires cérébrales se connecte, c’est ce qu’on appelle le « mode par défaut ». On ignore ce qu’il se passe alors en détail mais il s’agirait de consolider les informations récentes, la compréhension de soi et du monde pour construire notre modèle interne de la réalité. L’activité du mode par défaut chez les HP est plus importante que celle d’un cerveau « non HP ». Cela entrainerait selon plusieurs études des capacités de métacognition plus importantes. La métacognition est la pensée qui réfléchit sur elle-même. Cette pensée réflexive est source de prises de conscience et de connaissance sur ses propres connaissances.
Bilan : un cerveau plus puissant, plus efficace & plus réflexif
Certaines études expliquent cette réalité neurophysiologique par un mode de développement différent du fœtus. La matière blanche se serait constituée plus vite et de manière plus dense en raison d’un taux élevé de testostérone (qui inhibe le développement de certaines parties de l’hémisphère gauche du cerveau, entrainant un développement compensatoire d’autres aires). Le "haut potentiel" serait peut être acquis à la naissance, héréditaire - oui Mesdames, ça pourrez tout aussi bien être vous !
Efficience cognitive du cerveau Haut Potentiel
Globalement, les études montrent ainsi certains domaines d’habiletés cognitives particulières : mémoires de travail et à long terme, langage, perceptions visuo-spatiales, attention, vitesse de traitement.
Ces habiletés donnent en théorie plus de capacités
pour raisonner, se concentrer, analyser & innover.
Ses habiletés vont se traduire en capacités en fonction de multiples facteurs (individuels, familiaux, éducatifs, sociaux etc.) C’est ce qu’on appelle l’épigénétique.
Un très grand nombre de facteurs va donc influencer la façon dont le HPI s’exprime. D’où la quasi impossibilité de dresser un « portrait robot » du HP.
Ainsi, la recherche ne nous donne qu’une esquisse de carte. Chaque territoire, chaque individu étant spécifique, la généralisation à outrance est donc à éviter en matière de haut potentiel. C’est pour cela qu’il est souvent utile de revenir à l’essentiel : notre humanité.
Besoins spécifiques du cerveau HPI
Au vu de son fonctionnement neuronal particulier, on peut néanmoins mettre en lumière quelques caractéristiques fréquentes chez les HP en lien avec les capacités cognitives présentées ici.
Avec une grande capacité d’analyses, il est compréhensible que certains HP recherchent la complexité pour sentir fonctionner leur cerveau.
Avec une grande capacité à traiter et mémoriser des informations, il est possible que le HP ait besoin de plus d’informations que la moyenne pour nourrir son besoin humain de comprendre le monde qui l’entoure, d’où parfois une grande curiosité intellectuelle.
Avec sa capacité à créer des connexions rapides, il est bien compréhensible que les idées fusent.
En traitant plus d’informations, en les intégrant plus rapidement en « mode par défaut », les HP ont parfois une capacité de compréhension plus globale et plus long terme. Ils peuvent aussi ressentir un profond besoin d’organiser cette compréhension ou de lui donner une signification, un sens
Des capacités de métacognition élevées permettent de prendre conscience de ses forces mais aussi de ses « manques ». Et quand on a conscience de tout ce qu’on ignore, attentes élevées, doutes et remises en question sont légion !
Quand on à des capacités intellectuelles hors norme, on peut ressentir une forme de décalage social. Certains HP ont besoin de s'affirmer pour s'intégrer dans un milieu différent du leur, sans se suradapter.
Ces besoins doivent être reconnus & nourris de manière constructive. Si la littérature psychologique abonde en matière de haut potentiel, c’est que ces besoins ne sont pas nourris ou comblés de manière insatisfaite … ou que la source de souffrance n’est pas dans le HP.
Sources pour la rédaction de cet article : Bibliographie scientifique du site de Cécile Bost – Michelon P., Au cœur des cerveaux hauts potentiels et hypersensibles, Leduc 2022
Restons en lien
Pour nourrir chaque mois votre réflexion sur votre rapport au travail & le monde qui nous entoure, cliquez ci-dessous
Ping : HP Zèbre test QI - Margerie Véron
Bonjour Margerie!
Quelle belle découverte que je viens de faire avec votre site!
J’aimerais bien relayé votre article sur la réalité neuro-physiologie mais avant…
Serait-ce possible d’avoir l’occasion de discuter avec vous?
Il n’y a pas de presse, j’aime bien travailler dans le temps long (surtout que nous avons des horaires chargés!)
On pourrait penser à une visio (zoom?) en prenant un rv pour décembre ou janvier si cela vous convient.
Au plaisir d’avoir de vos nouvelles!
Salutations du Québec,
Fanie Lebrun
Bonjour Fanie, un grand merci pour votre message ! Je serais ravie de faire votre connaissance et d’échanger prochainement. Je vous envoie un mail pour convenir d’un rendez vous 🙂
Bonjour Margerie!
Je suis également très heureuse de voir cet article 🙂 je n’ai cependant pas trouvé de référence aux papiers sur lesquels vous vous êtes basée, et j’aimerais grandement les lire également pour pousser un peu la réflexion!
Serait il possible de voir votre bibliographie en neurobio s’il vous plait?
Un grande merci d’avance 🙂
Benedicte
Bonjour Bénédicte, il serait fastidieux de lister toute la littérature scientifique sur le sujet ici. Je me suis notamment inspirée des recherches en la matière de Cecile Bost, que vous pouvez retrouver sur son site : http://www.talentdifferent.com/category/neurophysiologie et dans ses ouvrages. Le bibliographie est particulièrement riche sur l’état des recherches en la matière 🙂