Perfectionnisme
& Haut-Potentiel Intellectuel :
sain ou toxique ?
De nombreuse personnes à Haut Potentiel Intellectuel (HPI/zèbre) font l'expérience des deux formes bien distinctes de perfectionnisme : celui parfois inhérent à la douance et celui qui trouve souvent sa source dans l'enfance.
Nous sommes ainsi nombreux à faire l'expérience d'un ou des deux types de perfectionnisme : l'un sain, l'autre toxique. Étant donné que l'un de ces perfectionnismes peut se révéler problématique, il est important de faire la distinction entre les deux, de comprendre leurs différences et de connaitre quelques solutions pour bien les appréhender.
Perfectionnisme sain vs. perfectionnisme toxique
- Le perfectionnisme sain (ou intrinsèque) n'est que cela : il est sain. Si on ne le comprend pas vraiment, on peut le prendre pour une recherche obsessionnelle, une réflexion à outrance ou une forme d’autocritique.
En réalité, il se compose d'attentes et de standards élevés, comme une forme de quête de la meilleure qualité possible, en raison de notre intense curiosité intellectuelle et de notre quête d'excellence. Cela peut s’exprimer sous la forme d’un désir profond de trouver l'exact mot, chanson, couleur, livre, technique, équipement, cours, équation... ou de toute autre chose qui vous anime.
Ce type de perfectionnisme répond à un besoin inné de beauté, d'équilibre, d'harmonie, de justice et de précision.
C'est celui qui permet de créer le livre qu’on ne veut pas poser (le fameux "page turner"), la musique qui nous émeut aux larmes, le bâtiment à la fois fonctionnel et exquis, la chorégraphie à couper le souffle.
On peut le retrouver chez une personne qui reste éveillée tard le soir pour retravailler son texte, une fois de plus, car pour elle chaque mot compte. Je l'ai observé chez moi lorsqu'il a fallu choisir la couleur des murs de mon salon et que je suis retournée au magasin de peintures au moins 5 fois pour obtenir la couleur parfaite ! Mais aussi à chaque fois que je prends la plume et revient inlassablement sur chacune de mes phrases...
Pour un haut potentiel, ce type de perfectionnisme vient avec les spécificités neuro-biologiques. Ce n'est pas malsain ou névrotique, c'est inné et intensément beau.
- Le perfectionnisme toxique (ou extrinsèque), d'un autre côté, ne nous est clairement pas aussi utile. Il s'apparente à une peur extrême de l'échec ou au sentiment que même une simple erreur est inacceptable.
C'est ma cliente thérapeute qui souffre d'anxiété et d'un sentiment d'inutilité ... même si ses soins donnent de très bons résultats et transforment la vie de ses clients. C'est cet autre cliente en reconversion professionnelle fraichement diplômée qui procrastine le lancement de son activité parce qu'elle a peur que son accompagnement soit médiocre ... même si elle a brillamment réussi sa formation (qu'on reconnait aussi sous l'appellation "syndrome de l'imposteur").
Le perfectionnisme toxique commence souvent dans l'enfance.
Vous n'êtes pas né avec un perfectionnisme toxique. En tant qu'enfants, les HPI sont parfois en avance sur leurs pairs. Si leurs parents et enseignants les félicitent la plupart du temps pour leur intelligence ou leurs résultats scolaires, les enfants peuvent en venir à croire que l'acceptation et l'amour dépendent uniquement du fait d'être les meilleurs, de gagner et de réussir.
Plutôt que de s’entendre dire « Tu es si intelligent », ils auraient bénéficié à recevoir des commentaires spécifiques, tels que : «Ton histoire a des personnages fascinants, dis-m'en plus à leur sujet». On aurait pu leur demander ce qu'ils pensaient de ce qu'ils venaient de réaliser ou ce qu'ils auraient pu faire différemment la fois suivante. On aurait pu encourager leur curiosité et leur sensibilité, les écouter attentivement.
A défaut, le perfectionnisme toxique risque de s’installer et peut se transformer en peur de l'échec, en procrastination chronique et en anxiété généralisée. Nous avons alors le sentiment que notre existence dépend de ce que nous faisons plutôt que de qui nous sommes. Si nous n’atteignons pas le plus haut niveau d'excellence, nous nous sentons sans valeur. Et ce perfectionnisme qui commence dans l'enfance se poursuivra à l'âge adulte.
La bonne nouvelle est qu'il existe des moyens de comprendre et de travailler avec les deux types de perfectionnisme afin que ni l'un ni l'autre ne nous handicape ou ne nous détourne de notre chemin.
Que faire pour un perfectionnisme sain ?
1 - Comprenez ce qu'est le perfectionnisme sain : ce n'est pas quelque chose que vous pouvez changer. C’est en fait une de vos forces.
Imaginez ce que serait le monde si tout le monde avait un tel désir de profondeur, de beauté, d'exhaustivité et de précision. Appréciez cette part de vous-même. Laissez cette quête de perfection nourrir votre âme, même si personne d'autre ne comprend ou qu’on vous traite parfois d’obsessionnel ou de névrosé !
Donnez-vous la permission de vous sentir ému devant un magnifique coucher de soleil, un ciel étoilé ou un roman. Prenez le temps de choisir les mots exacts pour votre texte, les fleurs particulières de votre jardin ou la bonne combinaison de couleurs pour les murs de votre salon.
2. Reconnaissez que tout le monde ne partage pas forcément votre niveau d’exigence
Même s'il est bon de respecter des standards élevées, cela ne signifie pas que d'autres personnes partageront ce sentiment. Cela ne signifie pas non plus qu’ils doivent nécessairement élever leurs normes ou travailler plus dur. Il se trouve que vous avez juste un besoin implacable et un désir inné de produire quelque chose aussi «parfaitement» que possible (qu'il s'agisse d'un article ou d'un plat).
Faites preuve de patience et de compassion envers vous-même. En parallèle, continuez à chercher des congénères avec ce même perfectionnisme sain pour vous sentir compris et moins seul.
3. Il y aura des moments où vous devrez faire des compromis pour terminer quelque chose d'important.
Donnez la priorité à vos projets et laissez les éléments sans importance être moins beaux ou moins précis. Par exemple, avez-vous vraiment besoin de passer des heures sur cet e-mail de trois phrases? D'un autre côté, vous pouvez donner la priorité aux textes de votre site Internet pour une activité que vous voulez vraiment développer (même si cela signifie passer à coté d’autre chose dans votre vie privée parfois).
N'oubliez pas que vous pouvez avoir l'excellence sans la perfection. Votre excellence peut, en fait, ressembler à la perfection pour les autres. Si vous produisez quelque chose qui n'est pas brillant, ce n'est pas un échec.
Essayez d’obtenir des commentaires sur votre travail auprès d'autres personnes ayant des normes élevées et des tendances perfectionnistes saines similaires. Vous serez plus à même de croire ce qu'ils vous disent et vous ressentirez moins de frustration.
4. Si vous avez une date limite à respecter, évaluez votre travail dans l'optique de produire quelque chose de « suffisant ».
Demandez vous :
- Est-ce « assez bon» pour ce contexte particulier ?
- Est-ce que j'obtiendrai quand même un bon résultat même si cela ne répond pas tout à fait à mes standards ?
- Dans quelle mesure est-il important que ce soit aussi complet que je le souhaiterais ?
- Est-ce que quelqu'un d'autre verra toutes les connexions que je vois ou trouvera-t-il mon travail satisfaisant tel quel ?
- Comment ai-je vraiment envie d'occuper mon temps ?
Que faire en cas de perfectionnisme toxique ?
1. Recherchez la plénitude et l'équilibre au lieu de la perfection.
Si vous sentez que vous êtes atteints de perfectionnisme toxique, essayez de rechercher l'intégrité ou l'équilibre au lieu de la perfection. Par exemple, essayez d'éviter de penser tout ou rien, comme si quelque chose était soit parfait soit sans valeur. Il y a un entre-deux: une erreur ou une imprécision ne fait pas de tout le projet un échec.
Souvenez-vous également que vous apprenez plus de vos erreurs que de vos succès. D’autant plus que les soi-disant «échecs», tels que les pertes d'emplois, la fin des amitiés ou les divorces, constitueront d'excellentes histoires dans quelques temps, pour vos amis ou vos futures interventions professionnelles, par exemple !
Et assurez-vous de mettre davantage l'accent sur le processus que le produit fini.
Mesurez votre succès en fonction du plaisir, de la complexité, des opportunités de croissance, d'apprentissage, d'effort, d'impact ou de rencontre avec de nouvelles personnes.
2. Si vous avez un critique intérieur fort, vous pouvez lui consacrer un peu de temps
Lancez un dialogue avec votre voix intérieure trop critique, celle qui aime vous dire que le projet sur lequel vous travaillez « n'est pas assez bon » ou est médiocre. Ensuite, demandez-lui:
- De quoi as tu besoin?
- De quoi me protèges-tu ?
- Que puis-je faire pour te permettre de prendre du recul ?
Ses réponses peuvent vous aider à mieux vous comprendre.
Si vous êtes souvent paralysé par le perfectionnisme au point de procrastiner continuellement, de ne jamais terminer ce que vous avez commencez et de vous sentir sans valeur la plupart du temps, peu importe ce que vous accomplissez, envisagez de vous faire accompagner.
Il peut y avoir des problèmes plus profonds qui vous retiennent. Il se peut que certains abus ou traumatismes de votre passé (nous en avons tous) aient créer des tendances perfectionnistes toxiques. Laissez un professionnel vous aider à régler le problème. Il vous aidera à trouver votre satisfaction profonde au-delà de la réalisation matérielle.
3. Si vous êtes habitué à des succès faciles et/ou rapides, vous pouvez paniquer si vous rencontrez un défi.
Si quelque chose est difficile, cela ne signifie pas que vous n'êtes plus intelligent. En fait, c’est une bonne chose d’avoir à fournir quelques efforts. Pensez-y comme une amélioration de vos compétences !
Vous avez le droit d’avoir des forces dans un domaine et moins dans un autre. Même si vous êtes né avec une bonne capacité d’analyse, vous pouvez toujours progresser et grandir. Il pourra être intéressant d'explorer de nouveaux domaines où vous risquez des erreurs et des échecs. C’est aussi comme cela qu’on apprend.
4. La procrastination est une stratégie d'adaptation qui n'est pas utile.
Il arrive que l’on procrastine plutôt que de produire un travail qui n'est pas parfait (il peut y avoir d'autres raisons à cela, je vous en parle dans cet article en vidéo). Si vous attendez la dernière minute pour terminer un projet, par exemple, vous n'aurez pas à vous blâmer pour la qualité de votre création.
Au lieu de procrastiner, décomposez votre projets en petites étapes. Organisez-les et définissez un objectif minimal ou une limite de temps pour les réaliser. Offrez-vous de petites récompenses au fur et à mesure, comme prendre le temps d‘aller faire un tour ou d’appeler un ami.
Si vous êtes souvent anxieux, apprenez à réguler votre système nerveux.
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Si vous êtes HPI, il ne serait pas étonnant que vous ayez à faire avec l’un ou les deux types de perfectionnisme. Cet aspect particulier de votre personnalité n’est pas toujours aisé à mettre au jour, à comprendre, à accepter et à faire évoluer, d’autant plus quand est seul ou isolé. Pour autant, il est possible d'avancer sur ce point en travaillant à sa compréhension. Quoiqu'il en soit, n'oubliez pas de garder une trace de vos échecs pour vos mémoires, vos conférences TED-X et vos interventions professionnelles !
Source : cet article est une traduction libre et personnalisée des écrits de Paula Prober, psychothérapeute américaine spécialiste des adultes "doués".
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