Le coaching, un phénomène de société ?
Restons vigilants !
Le coaching semble partout : tous coachs, tout se coache. Mais à y regarder de plus près, le coaching est-il un phénomène symptomatique de notre société, ou une réponse aux symptômes de notre temps ?
La question est loin d’être définitivement tranchée et amène tous les coachs à la plus grande vigilance pour danser sur le fil sans tomber « du côté obscur de la force ».
L’essor du coaching depuis les années 80
A la perte des repères idéologiques traditionnels qui amène les individus à les chercher en eux-mêmes s'ajoutent deux grands phénomènes qui ont favorisé l’essor du coaching tel que nous le connaissons aujourd’hui.
- Le premier phénomène est la révolution technologique.
Cette révolution a modifié notre rapport au temps. Nous vivons désormais dans une société de l’immédiateté avec une pression importante relative au temps.
De plus, en créant de nouveaux modes de communication, la révolution numérique a profondément transformé les modes de relations et les liens sociaux, entrainant solitude et isolement.
- Le second phénomène est le néolibéralisme.
Aujourd’hui, tout est soumis à la loi du marché, y compris l’individu qui doit développer ses ressources et se gérer comme un capital. Invités à devenir « entrepreneur de nous-même", nous devons tout « gérer » : notre temps, nos émotions, nos relations, notre carrière.
Il nous faut aussi capitaliser sur nos expériences, nos échecs, nos réussites afin d’en tirer une plus-value. A force de tout maximiser, il ne s’agit plus seulement d’être performant mais d’être le meilleur, un leader, un exemple.
Or gestion et évaluation mènent immanquablement à la normalisation.
De l’utilité de la posture de coach pour la société
Le monde post-moderne, lieu de compétitions parfois violentes, est rude. Il est en même temps plus que jamais un lieu où la réalisation identitaire et le développement individuel sont possibles.
Cette situation paradoxale suscite des enjeux contemporains qui méritent un espace pour être exprimés et travaillés.
Le coaching est alors un moyen de faire face à la complexité de ces situations en fournissant un espace-temps pour permettre à l’individu de s’exprimer librement, sans jugement ou évaluation, en toute confidentialité.
Avec le délitement du lien social, nous recherchons des espaces de paroles et d’échanges en dehors de nos cercles sociaux. L’hypermodernité implique aussi qu’il n’est pas courant d’avoir du temps pour réfléchir, parler et être écouté.
Le coaching offre un lieu pour se donner du temps, prendre du recul, envisager différentes façons de mobiliser ses savoirs, compétences et les moyens à notre disposition.
C’est un temps de relation, pour démêler les situations dans lesquels nous sommes impliqués, pour penser les questions essentielles de notre existence, un espace de recherche, de construction de voies alternatives.
Ainsi conçu, le coaching permet une réflexion approfondie sur le rapport d’un individu aux autres, à lui-même, au monde. Révélateur de contradictions, il permet un travail de dimensions qui ne peuvent s’exprimer ailleurs.
Voilà une activité professionnelle qui me parait tout particulièrement belle & noble, non ?!
Malheureusement, tous les « coachs » ne le pratiquent pas ainsi tombant alors dans l’une ou l’autre des dérives de cette pratique.
Les risques de dérive du coaching
Le coaching est parfois perçu comme une méthode, un outil voire une boite à outils. Ce faisant il est réduit à sa dimension technique et instrumentale et fait perdre sa superbe à la posture du coach.
Le coaching est aussi parfois présenté comme la réponse universelle à tous les problèmes de l’existence, faisant du praticien un sauveur de l’humanité. Le coach perd alors son rôle de restaurateur d’humanité.
Il peut également être confondu avec le développement personnel. J’entends par là toute méthode visant l’épanouissement fondé sur une meilleure connaissance de soi et de ses talents. C’est une promesse de bonheur par développement du moi qui peut se rapprocher de la recherche d’Aristote d’une "vie bonne" par le développement des vertus individuelles.
Dans ce cas, le risque de dérives n’est pas loin.
La première est une dérive para-thérapeutique : ni le coach ni le coaché ne font de différence avec un travail thérapeutique. Pourtant, la visée n’est pas la même, les présupposés et compétences requises non plus.
Une autre dérive serait une dérive utilitariste : l’accent est tellement mis sur les résultats à obtenir qu’on en oublie le sujet. Le coaching devient alors une forme de mise sous contrôle de l’individu pour "qu’il performe".
La troisième dérive est la dérive magique : des réponses simplistes sont apportées à des situations complexes. Les réponses sont alors les mêmes pour tous, il n’y a plus d’individualisation, on perd le contact avec la réalité.
Tout professionnel du coaching se doit donc d’avoir un cadre clair avec des repères qui posent les limites de son intervention. A défaut, il pourrait dériver facilement.
Conclusion...
Le coaching est un métier qui ne peut s’improviser. Vigilance et questionnement éthique y sont centraux pour le coach qui ne veut pas être instrumentalisé et se mettre malgré lui au service de causes qui vont à contre-courant de ses intentions initiales.
Pour cela, garder un regard critique en tant que professionnel est donc essentiel :
- Ne pas sur-valoriser l’individu au détriment du collectif
- Ne pas l'hyper-responsabiliser à travers des injonctions à trouver la réponse en soi là où la responsabilité collective ou organisationnelle pourrait être engagée
Alors, le coaching, symptomatique de notre société ou réponse aux symptômes de notre société ?
La réflexion reste ouverte pour tout praticien qui aime penser ce qu'il fait 😉